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Poulets de chair

La réglementation sur l’élevage de poulets

Depuis 2007, l’élevage des poulets de chair est encadré par une directive européenne de protection animale6, entrée en application en 20101.

Cette réglementation ignore de nombreux points clés des recommandations scientifiques officielles en permettant par exemple d’entasser les poulets à près de 22 par mètre carré. Elle n’exige pas non plus l’accès à un environnement enrichi, et ne pose aucune limite au rythme de croissance des oiseaux qui ne cesse pourtant d’être accéléré.

Les points clés de la directive

Publiée au Journal officiel en 2007, la directive européenne de protection des poulets de chair6 est entrée en application dans tous les pays de l’Union européenne en 20101.

Le corps principal du texte concerne la densité de peuplement. Celle-ci est limitée à 33 kg de poids d’animaux par mètre carré de bâtiment (soit environ 17 poulets/m2). Mais deux dérogations permettent d’atteindre 39 kg/m2 (environ 20 poulets/m2), et 42 kg/m2 (environ 22 poulets/m2 !) sous réserve de respecter certaines exigences. La France, troisième producteur de poulets au niveau européen, bat tous les records : plus de 80 % des poulets sont ainsi détenus au maximum autorisé par la réglementation européenne.

La nouveauté de ce texte est d’imposer (en théorie) des obligations de résultat. La densité d’élevage autorisée (deuxième dérogation) est dépendante des taux de mortalité obtenus sur les lots précédents. De plus, la présence d’infections de la peau (dermatites), de parasites ou de maladies doit normalement être contrôlée à l’abattoir et communiquée à l’éleveur pour qu’il prenne les mesures nécessaires.

Une autre mesure notable de la directive concerne l’obligation d’une période d’obscurité quotidienne de 6 h, dont au moins 4 h consécutives. Le maintien permanent de la lumière en élevage était en effet une pratique courante pour stimuler la croissance des oiseaux, au détriment de leur bien-être.

Le texte omet par contre entièrement la question des restrictions comportementales : impossibilité pour les poulets de se percher, de prendre des bains de poussière (nécessaires au comportement de toilettage), de s’isoler et de se reposer au calme. Il ne protège pas non plus les poulets contre les dérives de la sélection génétique et d’une nutrition inadaptée qui entraînent des rythmes de croissance de plus en plus élevés.

De fait, les exigences de la directive restent clairement insuffisantes au regard des recommandations scientifiques officielles, qui lui sont pourtant antérieures : celles du Conseil de l’Europe en 19954 et celles de la Commission européenne en 20003. Elles reconnaissent en effet la croissance accélérée et les restrictions comportementales comme deux sources de souffrance majeures en élevages de poulets de chair, et émettent d’une manière générale des recommandations qui vont bien au-delà des points qui ont été retenus dans la réglementation.

Des densités supérieures aux recommandations scientifiques

Une densité de 41,33 kg/m2 dans un élevage du groupe Doux en 2017. Cet élevage respecte la réglementation en vigueur !

La directive européenne de protection des poulets de chair permet d’entasser les poulets jusqu’à 42 kg/m2 si le taux de mortalité ne dépasse pas une certaine limite sur plusieurs lots consécutifs.

Une aberration quand on sait que la Commission européenne préconise depuis 2000, sur la base d’études scientifiques, une densité de peuplement maximale de 25 kg/m2. Elle indique en effet que « la densité de peuplement ne devrait pas dépasser 25 kg/m2 pour éviter en grande partie les problèmes graves de bien-être, et qu’au-dessus de 30 kg/m2, même avec de très bons systèmes de contrôle du climat, la fréquence des problèmes graves augmente fortement3 ».

C’est pourtant bien cette densité de 42 kg, soit environ 22 poulets par mètre carré, qui est finalement devenue majoritaire dans les élevages standards français2.

Le taux de mortalité requis pour obtenir cette dérogation aurait pourtant pu être limitant. Une enquête des chambres d’agriculture montrait en effet qu’en 2007-2008, la mortalité en élevage était telle que la plupart des éleveurs n’auraient pas pu obtenir la dérogation7. Mais une « clause de circonstance exceptionnelle » permet aux éleveurs de passer outre et de pratiquer la densité la plus élevée permise par cette réglementation.

Et c’est encore sans compter les infractions potentielles, qui ne sont pas sanctionnées. On apprend par exemple dans Terra, le magazine des chambres d’agriculture, qu’en cas de dépassement du seuil autorisé, les éleveurs ne s’exposent qu’à une non-conformité de type « mineur » (avertissements), et encore, seulement si le dépassement est supérieur à 5 %2.

Une période d’obscurité vraiment respectée ?

Comme déjà évoqué, la directive impose une période minimale d’obscurité de 6 h quotidiennes, dont 4 h consécutives, durant la majeure partie de la vie des poulets.

En effet, une pratique courante pour accélérer la croissance des poulets de chair consiste à éclairer les élevages en permanence, de jour comme de nuit. Comme le soulignent les rapports officiels, cette pratique a de lourdes conséquences sur leur santé et leur bien-être. Elle conduit notamment à un affaiblissement du système immunitaire et à des troubles du comportement4.

Cette mesure imposée par la directive est donc profitable aux poulets, même si ces oiseaux particulièrement sensibles aux cycles lumineux auraient besoin idéalement de 7 à 8 h consécutives d’obscurité par jour8.

Mais ce point de réglementation est-il réellement respecté dans les élevages ?

Notre enquête dans un élevage du groupe Doux en 2017, où la lumière semblait ne jamais s’éteindre, nous a conduits à mettre en doute la réelle application de cette mesure. Un article publié en 2016 par le magazine Terra révèle d’ailleurs que les principaux points de non-conformité relevés lors des inspections de protection animale concernent justement le cycle lumineux2. Le vade-mecum d’inspection des élevages de poulets de chair témoigne en outre d’une grande faiblesse des possibilités de contrôle de cette mesure5.

Lire notre rapport d’enquête dans un élevage Doux en 2017

Sources