En élevage standard, les poulets sont sélectionnés génétiquement, nourris et complémentés pour grossir le plus rapidement possible. Ils atteignent aujourd’hui leur poids d’abattage en 35 jours7, soit 4 fois plus rapidement qu’en 19503.
Cette croissance accélérée est à l’origine de nombreuses souffrances. Boiteries, malformations des os, défaillances cardiaques ou encore difficultés respiratoires viennent s’ajouter à des conditions de vie déjà difficiles.
Une croissance hors norme permise par la sélection génétique

Les poulets destinés à la production de viande sont le résultat d’une sélection génétique intense effectuée par quelques grandes entreprises mondiales3. Cette sélection permet de réduire les coûts de production, en accélérant notamment la croissance des muscles des oiseaux.
Pour exprimer ce potentiel génétique, les poulets sont nourris avec une alimentation particulièrement riche et appétente. Dans la plupart des élevages, des compléments alimentaires sont distribués en permanence pour stimuler l’appétit des poulets et accélérer leur digestion.
Résultat : les poulets de chair dits « standards » mettent aujourd’hui 30 jours pour atteindre le poids de 1,5 kg, alors qu’il en fallait 120 dans les années 1950 ! En France, ils sont actuellement abattus à l’âge moyen de 35 jours (1,9 kg) et cette durée ne cesse de diminuer7.
De graves conséquences sur les animaux

Du fait de la croissance accélérée, les muscles des poulets se développent plus rapidement que les autres organes, en particulier le cœur et les poumons. La poitrine est également surdéveloppée (pour produire des blancs de poulet), ce qui crée un déséquilibre entre l’avant et l’arrière du corps.
Les poulets qui grandissent de manière accélérée peuvent de ce fait avoir des difficultés à se déplacer, et souffrir de défaillances cardiaques ou respiratoires. Les scientifiques reconnaissent aujourd’hui de manière unanime que de nombreux problèmes de santé et de bien-être des poulets sont favorisés par cette croissance accélérée6.
Difficultés à se déplacer et douleurs articulaires

Les problèmes de pattes tels que les déformations douloureuses des os, les boiteries voire les paralysies sont une cause importante de souffrance des poulets de chair en élevage.
L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a indiqué en 2010 qu’environ 30 % des poulets de chair élevés de manière standard présentaient des anomalies aux pattes5. Selon une étude plus ancienne réalisée en 2004, ce sont 75 à 90 % des poulets issus de souches à croissance rapide qui souffriraient de troubles de locomotion1.
Pour les scientifiques, ces problèmes sont une conséquence directe des changements morphologiques induits par la croissance accélérée. Ils sont principalement liés au surdéveloppement des muscles de la poitrine, et au fait que les pattes sont trop courtes par rapport au poids des oiseaux.
Des études ont aussi montré que les os des poulets issus de souches à croissance rapide sont plus fragiles : ils sont plus poreux et moins minéralisés que ceux d’une souche témoin à croissance plus lente6.
À cause de la douleur ressentie lors de leurs déplacements, les poulets qui souffrent de problèmes de pattes se déplacent peu, voire pas du tout. Ils s’alimentent et s’abreuvent donc moins facilement et peuvent alors mourir de faim ou de soif.
Ils restent également plus souvent couchés sur de la litière souillée, ce qui peut entraîner des infections de la peau (voir plus bas).
Cœur et poumons défaillants3, 8

La croissance accélérée est responsable d’une plus grande fragilité cardiaque et respiratoire des poulets. Cette fragilité est causée par le relatif sous-développement du cœur et des poumons par rapport à la corpulence des animaux.
Le syndrome de la mort subite, qui touche surtout les mâles à croissance rapide, est la principale cause de mortalité en élevages de poulets de chair. L’ascite (accumulation de liquide dans l’abdomen générée par une insuffisance cardiaque) est également une cause de décès importante.
Plusieurs études montrent que la fréquence de ces deux maladies est beaucoup plus élevée chez les poulets à croissance accélérée, à cause d’une augmentation de la demande en oxygène de l’organisme que le cœur et les poumons ne sont pas capables de satisfaire.
La mortalité des poulets à croissance accélérée est forte lors des premiers jours de leur vie ainsi qu’au-delà de 28 jours. La mortalité dépasse les 4 % en seulement 35 jours d’élevage.
Lésions et infections de la peau3, 6
Les lésions et infections de la peau, généralement regroupées sous le terme de dermatites de contact, sont très fréquemment observées chez les poulets de chair. Selon une étude de 2008, 83 % des poulets issus de souches à croissance rapide souffriraient de lésions de la pelote plantaire, et 45 % de brûlures aux jarrets4.
Si ces dermatites sont principalement liées à une mauvaise qualité de la litière, la croissance rapide peut également jouer un rôle dans leur apparition. Les poulets qui ont des difficultés à se tenir sur leurs pattes sont en effet très souvent couchés, donc au contact prolongé de cette litière.
Rationnement des poulets reproducteurs et sentiment de faim chronique
Comme l’a révélé un rapport de la Commission européenne en 2000, la croissance accélérée des poulets a également un impact indirect sur les poules et coqs reproducteurs2. Ces derniers sont détenus dans des élevages bien distincts du reste de la production. Ils sont destinés uniquement à la reproduction en vue de faire naître les futurs poulets qui partiront à l’engraissement.
Devant être maintenus en vie plus longtemps que leurs congénères destinés à l’engraissement, les reproducteurs sont nourris avec des rations limitées, comprises entre 25 % et 50 % de ce qu’ils mangeraient s’ils avaient un libre accès à la nourriture. Les poules et les coqs reproducteurs souffrent donc de la faim de manière chronique, et sont de fait stressés et frustrés en permanence.
Aucune mesure à l’heure actuelle
« La pression actuelle du marché ne suffit en général pas à inciter suffisamment les entreprises de reproduction à donner plus d’importance aux caractères liés au bien-être dans leurs programmes de reproduction. La concurrence sur le marché de la viande de poulet se joue principalement autour de la réduction des prix. La sélection génétique se concentre donc principalement sur des taux de croissance rapides pour réduire les coûts3. »
1. Bizeray, D., Faure, J.-M. et al., 2004. « Faire marcher le poulet : pourquoi et comment », INRA Productions animales, 17 (1), p. 45-57.
2. Commission européenne, 2000. The Welfare of Chickens Kept for Meat Production (Broilers), 150 p. [Rapport du Comité scientifique sur la santé et le bien-être animal adopté le 21 mars 2000].
1. Bizeray, D., Faure, J.-M. et al., 2004. « Faire marcher le poulet : pourquoi et comment », INRA Productions animales, 17 (1), p. 45-57.
2. Commission européenne, 2000. The Welfare of Chickens Kept for Meat Production (Broilers), 150 p. [Rapport du Comité scientifique sur la santé et le bien-être animal adopté le 21 mars 2000].
3. Commission européenne, 2016. Rapport de la Commission européenne au Parlement européen et au Conseil sur l'incidence de la sélection génétique sur le bien-être des poulets destinés à la production de viande, 15 p.
4. Cooper, M. D., Allanson-Bailey, S. et al., 2008. « Higher Welfare Standards and Broiler Welfare », World Poultry, 18(8), p. 20-21.
5. EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments), 2010. « EFSA Panel on Animal Health and Welfare (AHAW): Scientific Opinion on the Influence of Genetic Parameters on the Welfare and the Resistance to Stress of Commercial Broilers ,», EFSA Journal, 8(7):1666, 82 p.
6. INRA (Institut national de la recherche agronomique), 2009. Douleurs animales : les identifier, les comprendre, les limiter chez les animaux d’élevage, 342 p. [Rapport d’expertise réalisé par l’INRA à la demande du ministère de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Pêche et du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche].
7. ITAVI (Institut technique des filières avicole, cunicole et piscicole), 2015. Performances techniques et coûts de production en volailles de chair, poulettes et poules pondeuses : résultats 2014, 64 p.
8. INRA (Institut national de la recherche agronomique), 2015. « Les pertes alimentaires dans la filière poulet de chair », Innovations agronomiques no 48, p. 161-175 (p. 172).