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Chèvres

Un élevage largement idéalisé

Dans l’imaginaire collectif, les chèvres gambadent dans de verts pâturages et produisent du lait pour de petites exploitations artisanales1. Savamment orchestrée par l’industrie laitière, cette image d’Épinal est à mille lieues de la réalité.

Enfermées en bâtiment 365 jours par an

En France, 60 % des chèvres passent toute leur vie enfermées en bâtiment2. À aucun moment elles n’accèdent à ce pâturage si souvent représenté sur l’emballage des fromages. Il existe cependant une forte disparité entre les régions. En Ardèche par exemple, où sont élevées 2 % des chèvres françaises, 88 % d’entre elles ont accès au pâturage3. À l’opposé, en Nouvelle-Aquitaine, qui concentre ⅓ du cheptel national4, 9 élevages sur 10 enferment leurs chèvres 365 jours par an5.

Impossible de grimper, ou de créer des liens sociaux stables

En élevage intensif, les chèvres vivent en groupes de grande taille dans des enclos paillés souvent dénués de tout enrichissement. Un tel environnement est incompatible avec leurs besoins comportementaux. Des études récentes montrent que pour survivre en petits groupes dans un environnement escarpé, où la nourriture est souvent difficile d’accès, les chèvres sauvages ont développé un répertoire sophistiqué de comportements alimentaires et sociaux. Les chèvres domestiques, qui ont hérité de la plupart d’entre eux, ont donc besoin de grimper, d’explorer leur environnement, de manger en hauteur, de sélectionner leur nourriture et d’établir des liens hiérarchiques complexes et stables avec leurs congénères. Tout cela est impossible en élevage intensif6.

Produire plus de 1 000 litres de lait chaque année

En France, plus de 5 280 élevages caprins se consacrent à la production de lait et/ou de fromages. 43 % d’entre eux exploitent plus de 150 chèvres reproductrices. Parmi ces gros élevages, 416 détiennent plus de 500 individus7.

Autre signe de l’intensification de l’élevage caprin : la productivité du troupeau français. Si l’hexagone ne détient que 11,5 % du cheptel caprin de l’Union européenne, elle est de loin le premier producteur de lait de chèvre8. Traite deux fois par jour, une chèvre produit en moyenne 960 litres de lait par an9 contre 578 en 197910.

Les races saanen et alpine, sélectionnées pour leur grande productivité, assurent la quasi-totalité de la production. Dans les gros élevages de plus de 250 chèvres, leur productivité dépasse facilement les 1 000 litres par an11.

Une vie écourtée pour quelques litres de lait en moins

Alors que leur espérance de vie est de 15 à 18 ans, les chèvres de l’industrie laitière sont envoyées à l’abattoir entre 3 et 4 ans12. Passé cet âge, leur productivité est jugée insuffisante. À 3 ans, une chèvre produit en moyenne 1 000 litres de lait par an, contre 955 à 4 ans13. C’est cette infime différence qui justifie donc leur mise au rebut. En 2021, près de 213 000 chèvres dites « de réforme » ont ainsi été abattues pour produire environ 5 000 tonnes de viande14. Toutes les autres, soit 40 à 45 % des chèvres réformées chaque année, ne sont pas envoyées à l’abattoir pour leur viande mais partent directement à l’équarrissage, comme de simples déchets15. Selon la filière caprine, c’est le manque d’abattoirs spécialisés à proximité des élevages qui serait en cause. La concentration de la filière d’abattage aurait en effet créé des zones de « vide » où le nombre des équarrissages dépasse celui des abattages pour les chèvres dites « de réforme »16.

Enquête dans un élevage Chevenet

En 2022, des images filmées dans un élevage de l’entreprise Chevenet (Saint-Maurice-de-Satonnay en Saône-et-Loire) montraient au grand jour les conditions d’élevage choquantes du premier producteur européen de fromages de chèvre fermier : 2 000 chèvres entassées en bâtiment avec pour seul accès extérieur une cour bétonnée. Un élevage sans aucun pâturage où les chèvres sont frappées à coups de bâton et de nombreux chevreaux laissés à l’agonie. Des conditions de vie misérables en total décalage avec la communication de l’entreprise vantant une « production traditionnelle », effectuée dans le « respect des animaux »17

Sources

1. Delanoue E., Roguet C., 2015. « Acceptabilité sociale de l’élevage en France : recensement et analyse des principales controverses à partir des regards croisés de différents acteurs », INRAE Productions animales, 28(1), p. 39-50 (p. 46).   

2.  Recensement agricole 2010.

3.   Agreste, 2012. « L’élevage caprin en Rhône-Alpes », Coup d'œil, n° 147, octobre 2012, 4 p. (p. 2).