Face aux questions « Où sont les animalistes ? Que fait L214 ? » entendues au sujet des abattages pour cause de dermatose nodulaire contagieuse (DNC), l’association répond : nous sommes là, nous travaillons sans relâche sur les racines qui ont amené à cette crise sanitaire et à bien d’autres conséquences. La gestion brutale de la DNC, motivée par la volonté de protéger les marchés à l’exportation, suscite détresse et colère. Les animalistes n’y sont pas indifférents, bien au contraire. Cette situation révèle à quel point la considération accordée aux animaux demeure faible dans notre société, et met en lumière les dangers du modèle agricole actuel.
Un double standard émotionnel
« C’est 10 millions de steaks hachés qui viennent d’être jetés à la poubelle ». Cette logique marchande, spéciste au point d’effacer les animaux, est ouvertement assumée par certains acteurs comme l’ancienne présidente de la Coordination rurale Véronique Le Floc’h. Mais face à l’indignation de toutes parts suscitée par les mises à mort de troupeaux entiers, même le président de la FNSEA ose le registre du sauvetage : « Le consensus, en tous les cas, au-delà des syndicats, c’est que tout le monde veut sauver les animaux ».
Pourtant, l’émotion suscitée par l’abattage de vaches potentiellement non malades contraste fortement avec l’indifférence quasi générale face aux abattages quotidiens. Chaque jour de l’année, ces mêmes vaches, mais aussi des poulets, des cochons, des lapins et des poissons en bonne santé sont tués par millions. Pourquoi l’abattage « préventif » choque-t-il davantage ? Plusieurs mécanismes pourraient expliquer ce décalage :
- La normalité, qui rend l’abattage industriel ordinaire moins choquant que l’abattage préventif car il est perçu comme « normal », même s’il implique lui aussi la mise à mort d’animaux en bonne santé.
- L’effet de visibilité : médiatisées, les mises à mort de vaches pour la DNC sont concrètes, émotionnellement saillantes et nous marquent plus que celles ayant lieu quotidiennement en abattoir, généralement invisibilisées et dépersonnalisées.
- L’insensibilité à l’échelle : un cas perçu comme « injuste » frappe davantage que des milliers de morts routinières.
Dans tous les cas, cette indignation sélective révèle notre profonde dissonance cognitive vis-à-vis de la consommation de viande : beaucoup séparent mentalement la viande de l’animal vivant. L’abattage sanitaire rend ce lien incontournable, bouscule cette rationalisation et nous oblige à admettre la violence structurelle du système d’élevage dans son ensemble.
Pour Brigitte Gothière, cofondatrice de L214 : « Nous partageons l’indignation et le sentiment de colère face à ces tueries. Mais cette crise révèle les contradictions d’un système qui banalise la mise à mort des animaux dès lors que l’acte est massif et routinier. L214 appelle à une transformation profonde de notre modèle agricole et alimentaire, seule voie pour éviter que ces crises sanitaires ne se multiplient tout en mettant fin à une injustice quotidienne pour des millions d’animaux. »
Une énième crise révélatrice de la nocivité du système actuel
La DNC n’est pas un cas isolé. Elle s’inscrit dans une série de crises sanitaires à répétition dont la grippe aviaire constitue désormais un marqueur permanent.
Le consensus scientifique est clair : l’intensification de l’agriculture et notre forte consommation de viande sont des causes identifiées de l’émergence et de la propagation de maladies, un phénomène aggravé par le changement climatique. Dans le cas de la DNC, des syndicats alertent sur la disparition des plus petits élevages, tandis que seuls les plus gros seraient en mesure de s’en remettre.
Pourtant, face à ces menaces croissantes, le gouvernement choisit délibérément de ne pas effectuer de remise en question du système agricole et alimentaire. Dans la continuité de ses prédécesseurs, la ministre de l’Agriculture Annie Genevard a annoncé, le 8 décembre, une accélération par ordonnance visant à sortir complètement du cadre des ICPE, dans le sillage de la loi Duplomb qui en relève massivement les seuils. Ce démantèlement des rares garde-fous encore existants laisse présager une augmentation des risques épidémiques que les autorités prétendent pourtant combattre.
Notre système agricole et alimentaire est éthiquement et sanitairement funeste. L214 propose une sortie planifiée de ce modèle dans son rapport le Sauvetage du siècle – sauver 600 millions d’animaux en 2030 (et bien plus encore). L’association sollicite depuis lors l’engagement des politiques et des entreprises.