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Un lanceur d’alerte dénonce l’horreur vécue par les cochons d’un élevage de l’Yonne

Le 19/08/2021

Porcherie des Tremblats : sévices graves & infractions à la réglementation

L214 dévoile aujourd’hui une nouvelle enquête concernant un élevage de cochons de l’Yonne. Un employé de l’élevage, qui a travaillé plus de deux ans dans la porcherie, dénonce les sévices graves et les maltraitances commis sur les animaux. Fait rare, il s’exprime à visage découvert. On peut notamment voir sur les images, prises avec son téléphone portable, des truies recevoir de multiples coups de tournevis pour les faire avancer plus vite. Tuméfiées sur tout le corps, des truies agonisent sur le sol en béton de l’élevage. Des jeunes truies ont les dents coupées à la tenaille. Les images montrent également la coupe des queues à vif et le claquage des porcelets.

Cette porcherie, la SCEA des Tremblats II, se trouve dans l’Yonne, sur la commune d’Annay-sur-Serein (près d’Auxerre). C’est un élevage intensif où sont détenues 1 800 truies, soit 7 fois la moyenne française. Elle appartient au groupe Provent-SDPR, implanté en Savoie, qui exploite directement ou indirectement (intégration) une centaine de sites d’élevages de porc, dont 3 maternités de truies.

Cruauté dans un élevage de cochons dans l’Yonne, un lanceur d’alerte témoigne

RESSOURCES LIBRES DE DROITS

→ Voir l’enquête et la pétition

→ Voir la vidéo d’enquête sur YouTube

→ Voir et télécharger des images brutes

→ Voir et télécharger des photos de l’enquête

En plus des sévices graves, de nombreuses infractions à la réglementation ont été identifiées dans l’élevage :

  • La coupe des queues des porcelets (caudectomie) est systématique (interdit dans l’arrêté du 16 janvier 2003 – annexe I, chap 1er. 8) ;
  • Dans la verraterie (salle où sont encagées les truies en début et en fin de gestation), les truies n’ont pas d’accès à l’eau (exigence de l’arrêté du 16 janvier 2003 – annexe I, chap 1er. 7) ;
  • Quand les truies sont en groupe, les densités d’élevage sont trop fortes (densité réglementée dans l’arrêté du 16 janvier 2003 – article 3) ;
  • Les truies n’ont pas accès à des matériaux manipulables (exigence de l’arrêté du 16 janvier 2003 – annexe I) ;
  • Les truies blessées ne sont pas soignées (exigence du code rural – Chapitre VI, article 226.6) ;
  • Les dents des cochettes (jeunes truies de plusieurs mois) sont coupées à la tenaille (interdit dans l’arrêté du 16 janvier 2003 – annexe I, chap 1er. 8) ;
  • L’aiguillon électrique est utilisé abusivement (réglementé par le règlement européen du 24 septembre 2009  – annexe III, point 1.9).

Sur les images, on peut également voir la zone d’équarrissage où sont stockés les cochons morts, de tout âge. Certains cadavres sont littéralement dévorés par les asticots. Une des bennes, d’où émergent des ossements, en est remplie.

équarissage

La vidéo dévoile aussi une méthode particulièrement cruelle, pratiquée dans les élevages porcins : le claquage des porcelets. Ceux qui sont jugés les moins rentables sont assommés violemment tout juste après leur naissance. Cette opération est censée les tuer rapidement, ce qui est loin d’être toujours le cas.

claquage

Le lanceur d’alerte a souhaité parler des maltraitances avec son responsable. Sans réponse de sa part, il a dénoncé les faits au directeur de l’établissement. Ses signalements sont restés sans suite. Au bout de deux ans de travail, profondément choqué par la maltraitance animale, en dépression, il a porté plainte contre l’élevage.
Décidé à rendre publiques les images qu’il a filmées, sa demande est sans appel : « Ce que je voudrais, c’est que le responsable ne travaille plus dans ce domaine là, et qu’il ferme la porcherie complètement parce que ça continuera tout le temps.  »

Le lanceur d’alerte assure ne jamais avoir vu de contrôle des services vétérinaires dans l’élevage. L214 porte plainte pour sévices graves auprès du procureur d’Auxerre.

Via une pétition en ligne, l’association demande une inspection immédiate de l’élevage, sa mise aux normes et que des sanctions soient prises.

La castration à vif des porcelets sera bannie le 1er janvier 2022. L214 demande au gouvernement que la coupe des queues à vif, source d’extrême souffrance pour les animaux, soit également interdite et que soit aussi proscrit le claquage des porcelets.

Sébastien Arsac, directeur des enquêtes et porte-parole de L214, affirme : « Nous saluons le courage de cet employé qui a décidé de rendre publics les sévices graves commis sur les animaux à la porcherie des Tremblats, dans l’Yonne. Les truies et les porcelets de cet élevage vivent déjà une vie misérable, comme dans la majorité des élevages de cochons (95 % des élevages de cochons sont de type intensif), ils sont en plus violemment maltraités sans réaction de la direction. Exigeons des sanctions pour cet élevage et une interdiction du claquage des porcelets ainsi que la coupe à vif de leur queue. »

Le claquage des porcelets, une pratique barbare illégale

Les porcelets jugés comme ayant peu de potentiel économique (chétifs, boiteux…) sont éliminés à la naissance. La pratique du claquage consiste à les abattre en les attrapant par les pattes arrière pour frapper violemment leur tête sur une surface dure (le sol dans la majorité des cas). Quand ils ne meurent pas instantanément, l’opération est renouvelée ou les porcelets sont laissés agonisant sur le sol ou dans une poubelle.

Cette pratique concerne des millions de porcelets chaque année en France.

Or, dans l’annexe III 4.a de l’arrêté du 12 décembre 1997 relatif aux procédés d’immobilisation, d’étourdissement et de mise à mort des animaux et aux conditions de protection animale dans les abattoirs, la percussion, comme méthode d’étourdissement préalable, n’est autorisée que dans les abattoirs et via un procédé mécanique : « ce procédé n’est autorisé que si l’on utilise un instrument mécanique qui administre un coup au crâne. L’opérateur veille à ce que l’instrument soit appliqué dans la position requise et à ce que la charge de la cartouche soit correcte et conforme aux instructions du fabricant pour obtenir un étourdissement efficace sans fracture du crâne. »

La filière porcine tente de justifier le claquage des porcelets par l’abattage d’urgence prévu dans l’article 1099 du règlement européen du 24 septembre 2009 concernant la protection des animaux au moment de leur mise à mort. Ce dernier autorise à prendre « toutes les mesures nécessaires » en cas de mise à mort urgente.

L’article 2.d de ce règlement définit la mise à mort d’urgence comme « la mise à mort d’animaux blessés ou atteints d’une maladie entraînant des douleurs ou souffrances intenses lorsqu’il n’existe pas d’autre possibilité pratique d’atténuer ces douleurs ou souffrances. »

Or, le claquage des porcelets est effectué à l’encontre des animaux plus chétifs que d’autres mais en bonne santé. Ils ne sont donc pas concernés par les dispositions de mise à mort d’urgence.

Si un animal est blessé, il ne devrait pas être abattu mais soigné et isolé si besoin. L’arrêté du 25 octobre 1982 (annexe I, 2.d) mentionne qu’un vétérinaire doit être consulté dès que possible dès lors qu’un animal est blessé.

Le claquage, méthode d’abattage barbare, est par conséquent une pratique absolument illégale.

La coupe des queues, une mutilation douloureuse et pratiquée illégalement

Afin de limiter l’impact des blessures que les animaux s’infligent souvent entre eux (notamment des morsures) du fait de mauvaises conditions d’élevage, la queue des porcelets est coupée (caudectomie), à vif, dès leur plus jeune âge. Cette pratique est très douloureuse pour les animaux.

Dans la synthèse de son rapport Douleurs animales, l’Institut National de Recherche Agronomique (INRA) mentionne que la coupe des queues est une source de douleur pour les cochons (page 68) : « En effet, la queue est innervée jusqu’à son extrémité chez le porc nouveau né et les porcelets manifestent des réactions de défense et des cris lors de la coupe de queue. […] Enfin, après la caudectomie on peut supposer l’existence d’une douleur chronique similaire à celle décrite chez l’homme après une amputation. »

Dans un rapport de 2019,la Commission européenne soulignait que la coupe des queues systématique des cochons était effectuée dans 99 % des élevages français.

Pourtant, la réglementation en vigueur interdit explicitement la coupe des queues des cochons pratiquée en routine, et exige que les conditions d’élevage des cochons soient modifiées si elles suscitent des troubles comportementaux tels que les morsures de queues : «  La section partielle de la queue et la réduction des coins ne peuvent être réalisées sur une base de routine […]. Avant d’exécuter ces procédures, d’autres mesures doivent être prises afin de prévenir la caudophagie et d’autres vices, […] les conditions d’ambiance ou les systèmes de conduite des élevages doivent être modifiés s’ils ne sont pas appropriés.  »

Ces dispositions votées en 2001 au niveau européen, ont été transposées en droit français en 2003 et sont entrées en vigueur en France en 2013. Les élevages porcins français sont par conséquent dans l’illégalité la plus totale.

88 % des Français sont opposés à l’élevage intensif (sondage YouGov 2019 pour L214), et 85 % sont défavorables aux mutilations pratiquées sur les cochons (coupe des queues, meulage des dents, castration pour les mâles) (sondage YouGov 2017 pour L214).

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