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Procès de l’abattoir du Boischaut : des réquisitions faibles sur l’abattage des animaux

Le 20/01/2021

Les abattoirs sont des zones de non-droit pour les animaux

Aujourd’hui se tenait au tribunal judiciaire de Châteauroux le procès de l’abattoir du Boischaut (Indre) suite aux images diffusées par L214 en novembre 2018, montrant de graves manquements aux règles encadrant la mise à mort des animaux. Cette enquête a conduit à la fermeture complète de l’abattoir durant 9 mois, l’activité à temps plein n’ayant repris qu’en septembre 2020, près de 2 ans après la sortie des images.

Des peines d’un montant total de 123 000 € ont été requises par la Procureur de la République contre la communauté de communes du Pays de La Châtre-Sainte-Sévère (gestionnaire de l’abattoir) dont :

  • une peine significative de 115 000 € d’amendes pour atteinte à l’environnement et à la salubrité (écoulement de sang dans les eaux usées, écoulement de jus de fumière dans l’environnement et couteau de saignée posé à même le sol) (délits et contraventions) ;
  • et seulement 8 000 € d’amendes pour les infractions à la réglementation encadrant les mises à mort des animaux (contraventions uniquement).

2 000 € et 8 400 € d’amendes sont requis à l’encontre de 2 employés de l’abattoir concernant les 26 infractions pour lesquelles ils étaient poursuivis. Une relaxe est requise pour le 3e ouvrier impliqué.

Le délibéré sera rendu le 7 avril.

Des peines dérisoires encourues par l’abattoir pour les infractions occasionnant des souffrances supplémentaires aux animaux

Alors que de nombreux veaux ont été abattus dans un piège ne permettant pas de les immobiliser et qu’il en allait de même pour les petits ruminants (caprins et ovins) dans un second appareil de contention, entraînant des infractions répétées, seulement une infraction par équipement non conforme a été retenue, soit 4 000 € requis. L’absence d’immobilisation entraîne pourtant des souffrances accrues pour les animaux, les opérateurs étant alors dans l’impossibilité d’ajuster les systèmes d’étourdissement.

L’abattoir est également poursuivi pour avoir confié la saignée à un opérateur insuffisamment formé et pour ne pas avoir employé de personnel suffisamment qualifié pour l’étourdissement et la saignée des ovins et des caprins. Alors que ces deux motifs ont entraîné des infractions répétées (mauvais étourdissements et mauvaises saignées) sur de nombreux animaux, elles n’ont donné lieu qu’à une infraction chacune, soit une peine de 4 000 € requise.

Des peines d’autant plus dérisoires pour ces infractions répétées qu’elles étaient déjà signalées en 2016 dans le rapport des inspections du plan de contrôle des abattoirs ordonné par Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, en réponse à une série d’enquêtes de L214 montrant les dysfonctionnements de plusieurs abattoirs.
Pourquoi les services vétérinaires ne stoppent-ils pas les chaînes d’abattage lorsque des infractions aussi manifestes et graves sont constatées ? Pourquoi ne consignent-ils pas ces infractions par procès-verbal, afin que le procureur de la République puisse engager des poursuites pénales le cas échéant ?
Force est de constater que sans l’enquête de L214, l’abattoir aurait continué à fonctionner malgré toutes ces défaillances.

Le calvaire des animaux jugé moins condamnable que les infractions environnementales

Le contraste est saisissant entre les peines encourues par l’abattoir pour atteintes à l’environnement et à la salubrité, et celles auxquelles il s’expose pour atteintes aux animaux. D’un côté, 115 000 € d’amendes requis pour du sang de cochons écoulé dans les eaux usées, ou le jus de fumière répandu dans la nature par exemple ; de l’autre, seuls 8 000 € d’amendes pour du matériel non conforme et l’emploi de personnels non qualifiés ayant entraîné l’agonie de nombreux animaux mal étourdis ou égorgés en pleine conscience.


L’insignifiance des sanctions portant sur les souffrances occasionnées aux animaux est telle qu’il s’avère plus avantageux pour les abattoirs de s’y risquer plutôt que d’investir dans des mesures préventives ou correctives.

Les images se suivent, les dysfonctionnements se ressemblent

Depuis 2015, L214 a mis à jour des dysfonctionnements majeurs dans plus de 10 abattoirs. Défauts de conception (ex : box d’immobilisation inadaptés), matériel défaillant (ex : pinces à électronarcoses mal réglées), lacunes de formation du personnel (ex : pas de contrôle des pertes de conscience et de sensibilité), etc. : alors que les autorités affirment avoir renforcé les contrôles depuis 2016, 68 % des chaînes d’abattages d’animaux de boucherie inspectées sont encore jugées par les services vétérinaires comme présentant des non-conformités d’après le dernier rapport disponible du ministère de l’agriculture (rapport annuel 2019 du plan national de contrôles officiels pluriannuel, p. 35).

Les images dévoilées en 2020 des abattoirs de Sobeval, Rodez et Blancafort confirment que des abattoirs sont en fonctionnement alors même que des non-conformités majeures ne sont pas corrigées. Rappelons que les services vétérinaires sont présents en permanence dans ces établissements et sont en capacité de stopper les chaînes d’abattage.

Les ouvriers : les boucs-émissaires faciles

Le travail quotidien des ouvriers d’abattoir est terrible d’un point vue physique et psychique. Lorsque des infractions sont commises dans les abattoirs, leur responsabilité peut être engagée, par exemple lorsqu’un chevreau est jeté par un ouvrier. Néanmoins, il est plus que fréquent que la configuration de l’abattoir, le matériel non conforme, la formation succincte ou inadaptée des opérateurs, les effectifs réduits et les fortes cadences engendrent ces infractions.

À l’abattoir du Boischaut, 5 et 21 infractions ont été retenues par la procureure contre deux ouvriers : temps d’attente trop long des animaux dans le piège, coups sur la tête des veaux pour les faire ressortir du box d’étourdissement, coups d’aiguillon sur des parties sensibles, découpage des cornes alors que la saignée n’est pas terminée, étourdissement d’un animal non immobilisé… La relaxe est demandée pour le 3e ouvrier poursuivi.


L’abattoir, lui, n’est poursuivi que pour 4 infractions relatives à la « protection animale »…

Abattoirs : la justice inopérante

Pour Brigitte Gothière, cofondatrice de L214 : « Les peines encourues par l’abattoir pour non respect des règles encadrant les conditions de mise à mort des animaux sont ridicules. Elles sont dérisoires au regard des souffrances infligées à des dizaines de milliers d’animaux dans cet abattoir depuis des années, comme en attestent les rapports des autorités depuis au moins 2016.

Les abattoirs sont des zones de non-droit en ce qui concerne la façon de traiter les animaux. Les lois de “protection animale” servent exclusivement à rassurer les consommateurs, à leur faire croire que les conditions de mise à mort des animaux sont sous contrôle.
Une action politique forte et courageuse pourrait changer les choses. Malheureusement les pratiques d’élevage et d’abattage sont maintenues par un lobby puissant qui contrôle le ministère de l’agriculture. Ces questions graves et prioritaires sont ignorées par ce gouvernement, comme en témoigne la loi sur les maltraitances animales qui sera discutée à l’Assemblée nationale la semaine prochaine, où les millions d’animaux élevés et tués pour la consommation sont les grands absents.
 »

→ Revoir l’enquête de L214 à l’abattoir du Boischaut

→ Télécharger des images brutes (libres de droits)

→ Lire notre communiqué de presse lors de la sortie de l’enquête du 03/11/2018

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