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Industrie de la chasse : enquête chez le leader de l’élevage de gibier

Le 24/09/2020

L214 et Pierre Rigaux, naturaliste indépendant, ont obtenu les images d’un des plus grands élevages d’animaux pour la chasse situé à Missé dans les Deux-Sèvres, appartenant au géant de l’industrie des élevages pour la chasse, Gibovendée.

Gibovendée détient 300 000 faisans et perdrix reproducteurs et “produit” chaque année 20 millions d’oeufs à couver ainsi qu’un million d’oiseaux prêts à être lâchés (selon l’entreprise).
L’exportation vers d’autres pays d’Europe est un débouché commercial important pour cette entreprise. Les exportations vers le Royaume-Uni représentaient à eux seuls un tiers de son chiffre d’affaires en 2017 (Autorité de la concurrence, p.3). Aujourd’hui, plusieurs compagnies maritimes refusent de transporter ces oiseaux destinés à être chassés. Eurotunnel est une des rares voies encore ouvertes pour l’Angleterre. L214 demande à cette entreprise de rejoindre la position des compagnies maritimes en refusant de transporter les animaux destinés à être chassés.


Enquête sur l'industrie de la chasse

→ Voir l’enquête

→ Voir la vidéo d’enquête sur Youtube (libre de droits)

→ Voir et télécharger des images brutes (libres de droits)

→ Voir et télécharger des photos (libres de droits)

→ Lire la pétition adressée à Eurotunnel

En France, 9 faisans sur 10 tués à la chasse sont issus d’élevages. Généralement lâchés quelques jours ou quelques heures avant les tirs, 80 % d’entre eux meurent dans les premières 48 h : 50 % d’entre eux sont tués par les chasseurs, 30 % sont prédatés : « La mortalité, favorisée par l’inadaptation de ces oiseaux à l’environnement de lâcher entraîne aussi une prédation importante et rapide par des carnivores ou des rapaces. » (ANSES, 2016, p. 2 et 6).

Sur les images, on peut observer en partie les conditions d’élevage de ces oiseaux et de leurs reproducteurs. Elles expliquent à elles seules l’inadaptation des oiseaux à une vie en liberté :
– une vue de drone permet se rendre compte de la dimension du site de Missé : des dizaines de rangées de cage, des bâtiments, des volières, contenant des dizaines de milliers de faisans et de perdrix.
Les oiseaux reproducteurs, faisans et perdrix, sont maintenus dans ces centaines de cages grillagées qui s’étendent à perte de vue.
– Ces oiseaux tentent en vain de prendre leur envol et se heurtent au filet qui referme leur cage tandis que leurs pattes reposent sur un sol grillagé.
Des oiseaux reproducteurs sont emprisonnés dans ces cages : libres, leur territoire s’étendrait sur plusieurs hectares. Cette promiscuité forcée rend les agressions inévitables : pour en limiter la gravité, un couvre-bec ou un anneau est fixé sur les becs. Pour certains de ces dispositifs, il est nécessaire de percer la cloison nasale des oiseaux.
– Dans ces cages, certains oiseaux se coincent la tête dans le passage dédié aux oeufs, on en trouve à l’agonie, d’autres morts.
Dans un bâtiment fermé, de jeunes faisans, anneaux fichés dans le bec, sont élevés par centaines dans un milieu totalement étranger à celui qu’ils découvriront une fois relâchés.
– La poubelle est remplie de cadavres.

En France, le Syndicat National des Producteurs de Gibiers de Chasse indique que plus de 14 millions de faisans et 5 millions de perdrix sont élevés chaque année : davantage que la population européenne de faisans sauvages estimée entre 8 et 11 millions d’individus.
L’ANSES indique en outre : « Lors de chasses commerciales, les faisans et perdrix sont lâchés en vue de tirs le jour même, en essayant de lâcher un nombre d’oiseaux adapté au nombre de chasseurs pour limiter des pertes onéreuses en oiseaux. » (ANSES, 2016, pp. 5-6). Ce sera le cas dans quelques jours à Troisvilles par exemple où 6 faisans ou 5 perdrix seront lâchés par fusil.

Pierre Rigaux, naturaliste. « Pour satisfaire la demande des chasseurs tout en étant viables économiquement, les éleveurs sont soumis à une double contrainte totalement insoluble : “produire” des oiseaux en très grand nombre comme dans n’importe quel élevage industriel, tout en essayant de faire en sorte que ces oiseaux aient un comportement sauvage pour l’intérêt les chasseurs, c’est-à-dire être au moins capables de fuir et de voler. Or dans ces élevages, les poussins grandissent sans leurs parents et sans rien apprendre de la vie dans la nature… Une fois lâchés, ils se retrouvent totalement démunis, inadaptés, ne savent pas comment se nourrir ni éviter les prédateurs, et beaucoup d’entre eux errent au bord des routes tels des poules égarées… Au final, les perdrix et faisans d’élevage ne sont ni tout à fait domestiques (ils sont nerveux et supportent très mal la captivité), ni tout à fait sauvages (ils sont inadaptés à la liberté). »

Pour Sébastien Arsac, porte-parole de L214 : « Sur ces images, la chasse apparaît sous son vrai jour : on est très proche de la chasse à la galinette cendrée. Ainsi, des millions d’animaux sont élevés pour devenir de la chair à fusil.
On retrouve les images très classiques des élevages de masse : des animaux encagés, d’autres qui grandissent entassés dans l’obscurité pendant une partie de leur vie. Après un passage en volière, ces animaux sont lâchés, complètement inadaptés à un milieu qui leur est inconnu, sans savoir se débrouiller seul, avec une horde de chasseurs à leurs trousses.
Malgré l’opposition majoritaire des Français – et en particulier 71 % des ruraux ! – aux élevages et lâchers pour la chasse, nous avons peu d’espoir de voir la législation changer rapidement vu le peu de courage politique de nombreux élus mais on peut au moins barrer la route à ces pratiques cruelles. Aussi, au travers d’une pétition, nous demandons à Eurotunnel de mettre fin aux transports de ces animaux vers l’Angleterre.
 »

7 ruraux sur 10 opposés aux élevages et lâchers d’animaux destinés à la chasse

Si 64 % des Français souhaitent une interdiction des élevages et lâchers d’animaux destinés à la chasse, ce pourcentage monte à 71 % pour les sondés des communes rurales contre 60 % pour l’agglomération parisienne (Sondage IFOP pour la Fondation Brigitte Bardot, 2017, p. 18. Le clivage bobo-parisiens / ruraux n’existe pas !

Sondage IFOP pour la FBB sur la chasse

Plus de 9 faisans sur 10 tués sont issus d’élevages

Peu de chiffres sont disponibles sur la répartition entre le nombre de faisans tués issus d’élevage et le nombre de faisans sauvages. Néanmoins, les quelques chiffres à disposition montrent que l’écrasante majorité des faisans tués à la chasse sont issus d’élevages.
La dernière enquête nationale sur la chasse remonte à 2013-2014. L’ONCFS y souligne que « l’essentiel de ce prélèvement est réalisé sur des oiseaux d’élevage » : leur enquête recense 3 millions de faisans tués pour 40 000 coqs sauvages comptabilisés.
Par ailleurs, sur son site, l’ONCFS estime qu’il y aurait entre 170 000 et 280 000 couples de faisans soit environ 560 000 faisans adultes sauvages, tandis que plus de 10 millions de faisans d’élevages seraient lâchés chaque année. L’ANSES mentionne que 50 % des faisans lâchés sont tués par des tirs dans les premières 48 h de liberté. Même si les chasseurs tuaient l’ensemble des faisans adultes sauvages, ils ne représenteraient que 11 % des oiseaux tués (560 000 / 5 000 000).
Toutes les données disponibles s’accordent à démontrer que plus de 9 faisans sur 10 tués à la chasse sont issus d’élevage.

La chasse pour réguler ou pour repeupler ?

Dès lors, au vu du nombre de 14 millions de faisans et 5 millions de perdrix élevés pour la chasse, lorsque la Fédération nationale des chasseurs parle de “régulation” par “prélèvement”, on peut clairement douter. De nombreux articles sur les associations de chasse mentionnent les lâchers d’animaux issus d’élevages, pendant la saison de la chasse où le jour même de la chasse.
L’ONCFS souligne qu’il « serait lâché annuellement plus de 10 millions de faisans selon différentes sources. Cela explique qu’il est prélevé dans tous les départements. Cela explique aussi que le cliché “faisan = gibier de tir” ait encore la vie dure auprès des chasseurs, et surtout du grand public. »
Pour la perdrix rouge, l’ONCFS note que « l’objectif de ces lâchers est de maintenir une activité de chasse plus motivante pour les chasseurs. Cette technique hypothèque les opérations de repeuplement et accélère la chute des populations naturelles (BIADI com.pers.). Si l’essentiel de ces oiseaux est tué dans les premières semaines de chasse (figure 10), des perdrix « sauvages » sont également prélevées et ce en proportion croissante au cours de la saison. Il est donc faux de dire que « les lâchers protègent les sauvages » ».
La mortalité des faisans et des perdrix après les lâchers, est très importante les jours et les semaines suivants les lâchers (y compris lors de repeuplement). Ces taux peuvent aller jusqu’à 80 %. (ANSES, 2016, p. 5).
Les plans de repeuplement sont très souvent inefficaces, la chasse étant rarement interrompue par ailleurs.
Pour repeupler les plaines en perdrix et faisans, ne suffit-il pas de préserver leur milieu de vie et d’arrêter de les chasser ? Une problématique qui rejoint au moins en partie la question du modèle agricole intensif aujourd’hui destructeur de biodiversité.

Des compagnies maritimes engagées

Les principales compagnies maritimes de la liaison France / Royaume-Uni, Brittany Ferries, P&O ferries, DFDS Seaways, refusent aujourd’hui de transporter les poussins issus de ces élevages malgré la multiplication des actions en justice des principales entreprises d’élevage pour la chasse dont Gibovendée. L’autorité de la concurrence a tranché en faveur des compagnies maritimes dans leur droit à refuser de transporter ces oiseaux destinés à la chasse. Reste Eurotunnel qui accepte encore aujourd’hui ces transports vers le Royaume-Uni. Pourtant, cette société refuse que les animaux transportés soient destinés aux laboratoires, à la recherche médicale ou aux abattoirs. Il serait temps de stopper aussi le transport pour la chasse.

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