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L214, avec le soutien de la Ligue des droits de l’Homme, attaque la cellule Demeter en justice

Le 31/07/2020

Pour lutter contre la répression des lanceurs d’alerte

Atteinte aux droits fondamentaux et illégalités : L214, avec le soutien de la Ligue des droits de l’Homme, dépose aujourd’hui une requête en référé liberté et attaque au fond la convention signée en décembre dernier entre le ministère de l’Intérieur, la gendarmerie, la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs.

« Je salue L214 d’avoir fait cette vidéo. Je regrette que nous ne puissions pas assez le faire en interne ». Ce sont les mots – inattendus ! – de Didier Guillaume, alors ministre de l’Agriculture, après avoir vu les images de l’enquête de L214 sur l’élevage et l’abattage d’agneaux dans la filière roquefort. Pour autant, l’arsenal répressif contre celles et ceux qui osent remettre en cause le modèle agricole intensif pour ses atteintes aux animaux, aux humains ou à l’environnement se matérialise de plus en plus.

Malgré les très nombreuses voix qui s’élèvent à son encontre, cette convention est toujours en vigueur à ce jour et les ONG constatent une pression et une intimidation croissantes : convocations en gendarmerie, auditions, présence accrue des gendarmes dans des réunions de travail.

L214 et la Ligue des droits de l’Homme considèrent que la cellule Demeter porte gravement atteinte aux droits fondamentaux des associations de défense des animaux ou de l’environnement. La convention signée entre le ministère de l’Intérieur, la gendarmerie et les deux principaux syndicats agricoles est en outre entachée de plusieurs illégalités.
Tout d’abord, aussi bien la cellule que la convention délèguent des compétences de police administrative à des personnes privées – ici à des syndicats agricoles –, ce qui est interdit. Elles portent également atteinte aux principes de neutralité et d’égalité devant le service public de même qu’aux libertés fondamentales d’expression et d’association.

Par les échanges renforcés entre gendarmerie et syndicats agricoles, elles incitent à violer le secret de l’enquête et de l’instruction et portent atteinte au droit à un procès équitable. Preuve de sa partialité, cette convention a été signée avec deux syndicats hostiles à toute remise en question du modèle agricole conventionnel, écartant de fait les autres syndicats comme la Confédération paysanne.

C’est pourquoi L214, avec le soutien de la Ligue des droits de l’Homme, dépose une requête en référé liberté auprès du tribunal administratif de Paris ce vendredi 31 juillet pour obtenir la suspension des activités de la cellule Demeter et des actions de mise en œuvre de la convention signée le 13 décembre 2019 entre le ministère de l’Intérieur, la gendarmerie, la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs.
Les deux ONG adressent également un courrier au ministre de l’Intérieur lui demandant expressément la dissolution de cette cellule et la résiliation de la convention de partenariat.

Roland Biache, Secrétaire général de la Ligue des droits de l’Homme : « Pour la Ligue des droits de l’Homme (LDH), les atteintes à la liberté d’expression et d’association s’aggravent dans ce cadre depuis le début de l’année. Elle avait pointé à ce moment le risque de dérive sécuritaire et liberticide porté par la cellule Demeter et la convention sous-jacente.
Le dispositif se révèle dangereux y compris pour la simple liberté de s’informer dans le but de mieux informer le public, assimilée à des infractions. Les garanties du secret de l’enquête sont fragilisées par le flou qui entoure les informations échangées avec la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs, la participation du procureur aux observatoires départementaux de la cellule posant de plus question quant à sa nécessaire impartialité. La participation des deux syndicats aux missions publiques de renseignement et de police est elle-même tout sauf neutre, puisqu’ils demandent la dissolution de l’association L214.
Tout cela doit amener à réaffirmer les principes du droit dans leur clarté et à faire cesser les intimidations contre L214 dans ses activités associatives, dont l’apport à l’information du public ces dernières années est indéniable. Le choix de l’association de saisir les juridictions de cette situation devenue difficilement tenable s’inscrit dans cette logique, dont il est à espérer qu’elle s’impose rapidement aux pouvoirs publics.
 »

Brigitte Gothière, cofondatrice de L214 : « Depuis quelques mois, les actes d’intimidation envers le milieu associatif se multiplient. Si vous osez vous exprimer ou agir pacifiquement contre l’usage massif de pesticides, contre les conséquences effroyables de l’élevage intensif ou contre la légitimité de tuer les animaux sans nécessité, vous vous exposez a minima à une mise sous surveillance carabinée. Mais ça ne s’arrête pas là : aux yeux du ministère de l’Intérieur, vos actes relèvent de l’association de malfaiteurs et vous font encourir 10 ans de prison et jusqu’à 150 000 euros d’amende. Où sont passées les libertés d’opinion et d’expression ? Quelle place pour le débat démocratique ?
Depuis quelques semaines, plusieurs salariés de L214 ont été entendus lors d’auditions en gendarmerie pour se justifier des actions d’information de l’association. Ces actes d’intimidation sont de plus en plus nombreux. Par ailleurs, que devient le secret de l’enquête et de l’instruction ? La cellule Demeter n’invite-t-elle pas clairement les gendarmes à partager leurs informations avec deux syndicats agricoles ?
Il est hors de question de se laisser traiter comme des criminels. Nous nous tournons aujourd’hui vers la justice avec le soutien de la Ligue des droits de l’Homme pour faire cesser cette répression institutionnalisée des lanceurs d’alerte.
 »

Contact presse

Convocations, auditions, surveillance, criminalisation : l’arsenal se déploie

Les actes d’intimidation se multiplient à l’encontre du milieu associatif.

En effet, alors que le ministre de l’Agriculture saluait il y a quelques semaines le travail de L214, plusieurs salariés de l’association ont été convoqués en gendarmerie à des auditions pour se justifier des actions d’information de L214. Ces auditions à répétition sont très clairement des actions d’intimidation. Par ailleurs, la convention incite explicitement à des échanges d’informations entre gendarmerie et syndicats. Au-delà de la question même du motif de ces auditions, quelle garantie du respect du secret de l’enquête et de l’instruction ? Les procès-verbaux, les pièces d’une enquête judiciaire atterrissent-ils dans les mains des syndicats agricoles ?

Antoine Gatet, juriste et porte-parole de l’association Sources et Rivières du Limousin, association agréée pour la protection de l’environnement, a récemment fait l’objet d’une convocation en gendarmerie et d’une enquête, dans le cadre des activités de la cellule Demeter, simplement pour avoir publiquement critiqué un projet agro-industriel au cours d’un reportage télévisé.
À Gaillac (Tarn), des gendarmes se sont rendus à une réunion publique destinée à préparer une simple « Semaine pour les alternatives aux pesticides » afin d’y interroger les personnes présentes.
L’association Alerte pesticides Haute-Gironde se sait sous surveillance et fait l’objet de comportements qu’elle trouve intimidants de la part des gendarmes depuis la mise en place du dispositif Demeter.

Même la Confédération paysanne souhaite la résiliation de cette convention

Le 15 janvier 2020, près de 35 organisations et acteurs de l’écologie et de l’agriculture paysanne et biologique, dont la Confédération paysanne, dénonçaient cette convention dans une tribune publiée dans Reporterre : « Il s’agit de faire taire tous ceux qui mènent des actions symboliques contre le système de l’agriculture industrielle, dont la FNSEA est le principal soutien ».

Le 21 janvier, c’est au tour de 130 scientifiques, professionnelles et professionnels de la recherche et de l’enseignement supérieur, de trouver inquiétant « le dévoiement […] de ressources publiques, dont celles du renseignement chargé d’assurer la protection des populations civiles contre des actes meurtriers » et d’alerter sur une « pénalisation des lanceurs d’alerte [qui] nous priverait d’une source d’information essentielle et conduirait, à terme, à priver nos concitoyens du débat qu’ils souhaitent sur la question animale » dans une lettre ouverte accompagnée d’une pétition qui a déjà reçu plus de 130 000 signatures.

En mars, la Ligue des droits de l’Homme et une vingtaine d’associations environnementales interpellent le Premier ministre : « la création de cette cellule vise à criminaliser l’expression d’une opinion, ce qui est en contradiction avec le principe fondamental de liberté d’opinion, autre principe de base de notre République. »

Dans une lettre envoyée en juillet au nouveau ministre de l’Intérieur, 12 organisations, dont la Confédération paysanne, demandent de nouveau la résiliation immédiate de la convention de partenariat signée par son prédécesseur avec la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs ainsi que la dissolution de la cellule de gendarmerie Demeter. Ce courrier souligne : « Toute association environnementale, tout syndicat ou individu préoccupé par les conséquences néfastes de l’agriculture intensive pour l’environnement et la santé se trouvent menacés de délation et de mesures coercitives. Après quelques mois d’existence, la cellule “Demeter” a d’ailleurs donné lieu à plusieurs dérapages inquiétants […] ».

Les associations Pollinis et Générations Futures ont par ailleurs déposé un recours devant le tribunal administratif de Paris pour obtenir l’annulation de la convention de partenariat entre le ministère de l’Intérieur, la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs permettant la mise en œuvre de la cellule Demeter.

Courriers aux ministres, tribunes, pétitions, recours n’ont pu jusqu’à ce jour stopper l’arsenal répressif mis en place contre celles et ceux qui osent remettre en cause le modèle agricole intensif pour ses atteintes aux animaux, aux humains ou à l’environnement.

Faux prétextes pour vraies menaces : jusqu’à 10 ans de prison et 150 000 euros d’amende

Lors de la signature de la convention, Christophe Castaner s’est rendu dans un élevage de cochons du Finistère pour présenter la cellule « Demeter », dédiée au « suivi des atteintes au monde agricole ». À cette occasion, il a affirmé que cette cellule permet de « renforcer les moyens dans le monde judiciaire […] afin de lier des faits qui peuvent apparaître non liés, pour ensuite constituer des associations de malfaiteurs sur lesquelles nous devons enquêter ». Ces moyens démesurés visent à faciliter les inculpations pour association de malfaiteurs : une infraction qui peut être punie jusqu’à 10 ans de prison et 150 000 euros d’amende.

Devant les parlementaires, Christophe Castaner a mis en cause « ceux qui, au nom d’une idéologie, transgressent les lois » et souhaité que « l’antispécisme soit un des axes prioritaires du renseignement ». Or, sur les 14 498 faits enregistrés en 2019 par le ministère de l’Intérieur dans les exploitations agricoles, dont 64,5 % sont des vols (cambriolages, vols de tracteurs, de GPS, de carburant…), la FNSEA aurait recensé 41 « intrusions » dans des élevages par des militants animalistes. Un échantillon de 0,28 % monté en épingle et associé à des actes de vandalisme sans rapport pour « justifier » un arsenal répressif démesuré.

Comme le rappellent les 130 scientifiques dans leur tribune : « La transparence, le droit à l’information, est aujourd’hui un élément clef de notre fonctionnement démocratique. C’est grâce à cette transparence que nous, chercheurs et chercheuses, arrivons à produire des connaissances scientifiques permettant d’éclairer le débat public. La pénalisation des lanceurs d’alerte nous priverait d’une source d’information essentielle et conduirait, à terme, à priver nos concitoyens du débat qu’ils souhaitent sur la question animale. »

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