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Qui met-on en cage ?

The Guardian, 5 juin 2008

Victor Schonfeld

[[…]] Aujourd’hui en Autriche, des militants pour les animaux en sont à leur troisième semaine de grève de la faim en prison, suite à une opération policière sans précédent menée sur tout le territoire national.

Le 21 mai, à l’aube, la police autrichienne a enfoncé les portes de maisons et de bureaux à travers le pays et, arme au poing, a arrêté des militants. Depuis, dix employés de refuges animaliers, enseignants en bien-être animal et organisateurs de campagnes sont détenus, suspectés d’appartenance à « une organisation criminelle. » Aucun acte d’accusation n’a été établi. Les détenus demandent à être inculpés ou libérés.

On pourrait être tenté de croire qu’à l’insu du reste du monde, l’Autriche est en proie à un déchaînement de violence, du fait de militants essayant désespérément de faire réagir une société indifférente à leur cause. En réalité, l’Autriche est le pays du monde le plus avancé en matière de droits des animaux. Des lois ont été votées interdisant les élevages d’animaux pour la fourrure, les animaux sauvages dans les cirques, et supprimant progressivement tous les élevages de poulets en batterie.

Ces succès sont à mettre notamment au crédit des qualités de leader d’un des quatre militants en grève de la faim, Martin Balluch, président de l’association VGT, qui a été un ardent partisan de l’éducation du public et des réformes législatives. Balluch possède un double doctorat en physique et en philosophie et a été un collègue de Stephen Hawking à l’université de Cambridge. Le 16e jour de sa grève de la faim, il a été atteint de vertiges, de troubles de la vision et de douleurs à l’estomac. Hier, après le départ de visiteurs, les gardiens l’ont enfermé dans un placard à balais pendant plusieurs heures. Ce matin, au parloir, il s‘est évanoui et les gardes sont restés plantés là à rire, avant de l’emmener sur un brancard.

L’avocat de Balluch, Stéphan Traxler, a eu accès à des extraits d’un dossier de surveillance de la police, de plusieurs milliers de pages, concernant des actes mineurs de vandalisme contre des boutiques de fourrure et des commerces d’alimentation perpétrés par des inconnus ces dernières années – vitrines brisées, boules puantes lancées, serrures engluées. Dans aucun de ces cas, il n’y a eu de personnes blessées ou attaquées et aucune preuve reliant ces actes de vandalisme aux détenus n’a été apportée. Traxler dit que l’action de la police est manifestement politique. Des militants animalistes ont protesté hier devant les ambassades d’Autriche à Londres et dans deux douzaines d’autres villes sur trois continents. Demain, Le juge Toifle Goster décidera de prolonger ou non la détention. Il est scandaleux que de telles choses arrivent à des êtres humains dans un pays au premier plan des reformes concernant le bien-être animal. Quelle que soit la décision du tribunal, c’est un revers pour la militance en faveur des droits des animaux. Comme l’avait pressenti Balluch, il y a quelque temps, « Dès que les politiciens peuvent vous dépeindre comme des terroristes et être crus, ils ont gagné la bataille, quoi qu‘on fasse. » Ce matin, juste avant de perdre connaissance, il disait : « Je ne peux tout simplement pas croire que cela puisse arriver en Autriche ! »

La police a saisi les ordinateurs des bureaux, les dossiers et les téléphones portables. Le lancement prévu d’une initiative en faveur de l’introduction d’un article sur le bien-être animal dans la constitution autrichienne a dû être reporté. Il est difficile de ne pas en conclure que tel était l’objectif de cette action policière.

« La liberté d’expression est menacée en Autriche, a déclaré Elisabeth Sablik, une amie zoologiste de Balluch. Cette affaire ne concerne pas des activités illégales pour les droits des animaux. Elle s’explique par le fait que le mouvement animaliste a obtenu trop de succès. »