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Images inédites de la grippe aviaire en Vendée

Le 05/04/2022

L’élevage intensif, un facteur aggravant

Une épidémie de grippe aviaire* sans précédent touche la France et tout particulièrement les Pays de la Loire. Tous les élevages de poulets, poules, canards, dindes de Vendée sont « dépeuplés », autrement dit tous les animaux sont éliminés. Pourtant, aucune image de cette campagne d’abattage massive n’a été montrée au public**.

L214 diffuse aujourd’hui des images filmées la semaine dernière sur la commune des Landes-Genusson. Ici, les poulets ont été gazés par une entreprise des Pays-Bas. On y voit un tapis de poulets morts après avoir été gazés dans un élevage intensif, ainsi que le chargement des dizaines de milliers de cadavres de poulets par des ramasseurs, puis par des tractopelles télescopiques dans des camions-bennes d’équarrissage.


Abattage de poulets suite à la grippe aviaire

* Selon l’académie de médecine vétérinaire, le terme est impropre. Nous devrions parler de peste aviaire puisqu’il s’agit d’une septicémie à taux de mortalité important, et non d’une affection uniquement respiratoire.

** Dans le 19/20 du 23 mars de France 3 Pays de la Loire (à 6’21), dans un sujet intitulé « Le mutisme de la filière avicole », un journaliste fait état de la censure sur les images : « pas d’images possibles ».

Plus de 14 millions d’oiseaux d’élevage tués par asphyxie

« L’enfer n’existe pas pour les animaux, ils y sont déjà. » Victor Hugo

Les témoignages font état de différentes méthodes pour mettre à mort en masse les oiseaux :

  • par asphyxie au dioxyde de carbone directement injecté dans le bâtiment d’élevage ou dans des caissons. Le dioxyde de carbone est aversif pour les oiseaux : il peut être irritant et provoquer des convulsions avant même la perte de conscience. Comme l’indique l’Anses dans un rapport, il est déjà très compliqué de maîtriser l’étourdissement et la mise à mort des animaux en abattoir ; sur le terrain, c’est encore pire. C’est l’entreprise française GT Logistics et l’entreprise néerlandaise Jongeneel (que l’on retrouve dans notre enquête) qui interviennent.
  • par lente asphyxie en stoppant les ventilations des bâtiments. La concentration dans ces élevages est telle qu’en coupant les ventilations, les animaux finissent par mourir. Des éleveurs sont « obligés de terminer à coups de pelle ».
Camion Jonheneel en Vendée

Camion de l’entreprise Jongeneel stationné dans le centre de la Vendée.

Une situation hors de contrôle

Au cours de la saison 2020-2021, la grippe aviaire avait touché 500 élevages et 3,5 millions d’oiseaux avaient été tués. Des mesures de prévention et de biosécurité ont été adoptées pour éviter que la catastrophe ne se reproduise. Une des mesures phares repose sur la claustration des oiseaux d’élevage. La situation actuelle montre l’échec du dispositif, et de cette mesure en particulier. Difficile d’imaginer pire résultat en Vendée…
Ce sont les élevages professionnels qui sont les plus touchés : à la date du 4 avril 2022, il a été identifié en France 1 164 foyers d’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) en élevage, 42 cas en faune sauvage et 22 cas en basse-cour.

L’État est débordé par la situation : il demande officieusement aux éleveurs de couper la ventilation pour tuer les animaux. Les cadavres des oiseaux peuvent rester des jours dans les élevages avant d’être retirés. Les éleveurs doivent s’organiser eux-mêmes pour évacuer les cadavres. On leur demande d’enterrer les poulets en creusant des fosses à proximité de leurs élevages. Des centres de stockage temporaires et d’enfouissement sont créés pour faire face à la situation.

L214 entend engager la responsabilité de l’État dans la gestion de cette crise et les graves atteintes qui sont portées aux règles les plus élémentaires de protection animale.

Un vrai danger de santé publique

Le ministère de l’Agriculture se veut rassurant et répète systématiquement que « la consommation de viande, foie gras et œufs – et plus généralement de tout produit alimentaire à base de volaille – ne présente aucun risque pour l’Homme ». Par contre, aucune communication sur le danger de santé publique que constitue la circulation de ce virus. Sur le site de l’Institut Pasteur, c’est une autre histoire : « Si la plupart des virus aviaires n’infectent pas l’homme, certains sous-types parviennent parfois à franchir la barrière des espèces : c’est le cas du virus H5N1, pathogène pour l’homme […]. À l’heure actuelle, la transmission du virus ne se fait que de l’animal à l’homme, mais les autorités sanitaires redoutent une évolution du virus vers une forme transmissible d’homme à homme, porte ouverte à une pandémie. » Il se trouve que dans l’épidémie actuelle, le sous-type H5N1 est prédominant à plus de 95 %.

Le danger est accentué par le fait que nous sommes actuellement dans une épidémie de grippe humaine. L’Institut Pasteur indique qu’un sous-type viral pourrait être créé par réassortiment génétique entre un virus aviaire et un virus de grippe humaine : « Un tel phénomène se produit lors d’une co-infection d’un hôte par deux virus différents, dans le cas présent un virus aviaire et un virus infectant les mammifères (l’homme) ». D’ailleurs, le virus responsable de la grippe espagnole est né de la combinaison d’une souche humaine (H1), provenant de la grippe saisonnière H1N8, avec des gènes aviaires de type N1.
Les éleveurs et toutes les personnes qui interviennent dans les élevages, comme les ramasseurs de volailles, sont les plus à risque.

L’élevage intensif, un facteur aggravant

La grippe aviaire trouve son origine dans la faune sauvage. Il est difficile d’agir sur ce facteur, et exterminer tous les oiseaux migrateurs de la Terre n’est certainement pas une option… ni une solution : un seul cas de grippe aviaire dans la faune sauvage a été identifié en Vendée.
Comme on peut le constater, la claustration des oiseaux n’empêche pas la diffusion de la grippe aviaire. Même avec les mesures de biosécurité les plus draconiennes, le virus circulera puisqu’il se trouve dans l’environnement (le virus peut être aéroporté) et peut s’introduire dans les élevages par les ventilations. Gilles Vallat, directeur général de l’Anses, émet ainsi une hypothèse concernant un cas spécifique : « le virus s’est aéroporté et s’est introduit dans les bâtiments par la ventilation. Dans les bâtiments de volailles, il faut une très bonne ventilation donc on peut introduire le virus par les prises d’air. »

Pire, les élevages intensifs favorisent la dissémination du virus : une fois introduit dans un élevage intensif, vu la promiscuité et l’absence de diversité génétique, le virus va se propager comme un feu de paille. Ainsi, la charge virale va être augmentée et ensuite ventilée à l’extérieur du bâtiment. Dans les zones très denses en élevages comme la Vendée, les foyers peuvent ainsi s’étendre de proche en proche.

Sortir de l’élevage intensif : une urgence

En France, l’élevage intensif domine largement la production. 83 % des poulets et 97 % des dindes sont élevés en bâtiment fermé sans accès à l’extérieur. Il faut tirer des leçons de cette crise sans précédent. La sortie du modèle de l’élevage intensif et la diminution du nombre d’animaux d’élevage sont cruciales. Les Français sont largement opposés à l’élevage intensif, mais les candidats à l’élection présidentielle ont des positions bien plus timides.

→ Voir le classement des candidats sur la question animale

Pour Sébastien Arsac, cofondateur de L214 : « La barbarie des humains envers les animaux a atteint son paroxysme. La situation est totalement hors de contrôle. On en est venu à tuer les oiseaux d’élevage en coupant purement et simplement la ventilation dans les élevages intensifs. Ce sont des dizaines de milliers d’animaux qui meurent ainsi d’une longue asphyxie. Et le massacre des oiseaux d’élevage est tellement massif qu’on ne sait plus quoi faire des cadavres. Plus de 14 millions d’oiseaux sont traités comme des déchets. Il faut tirer les enseignements de cette calamité : il est urgent de diminuer le nombre d’animaux d’élevage et d’amorcer une sortie de l’élevage intensif. »

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